Vers une consolidation de la chaîne logistique

Charlotte Blanc 19/06/2023
Tête Bobi
©Bobi Réemploi, Etapes de conditionnement, manutention et transport

Cet article synthétise le Travail de Fin d’Etudes réalisé par Charlotte Blanc sur la logistique du réemploi.

La logistique : un levier pour le développement du réemploi

Une opération intégrant du réemploi nécessite la mise en place de nombreuses étapes entre la dépose du matériau du projet cessionnaire et sa remise en œuvre sur le chantier bénéficiaire. La dépose soignée, qui ne doit pas altérer la qualité du matériau. Le conditionnement peut aller du simple emballage pour faciliter le transport à un conditionnement sur mesure après remise en état du produit.
Enfin, le transport doit garantir l’état du matériau.

Par ailleurs, les temporalités de projets ne rendent pas toujours possible ce réemploi en flux tendu entre chantiers. En effet, les filières de réemploi dépendent énormément de l’offre de gisement et de la demande d’exutoire à un instant t. En effet, un matériau réemployable d’un chantier cessionnaire doit pouvoir être remis en œuvre sur un chantier bénéficiaire à un moment précis. Ce décalage temporel entre l’offre et la demande oblige à mettre en place des solutions tampons de stockage de matériaux. [1]

Finalement, une opération de réemploi se déroule comme suit :

© Charlotte Blanc, Etapes du réemploi d’un matériau
© Charlotte Blanc, Etapes du réemploi d’un matériau

Ces étapes sont chronophages et mobilisent de nombreux interlocuteurs. Elles représentent une lourde part économique dans le prix des matériaux. Le poids de la logistique dans les opérations de réemploi impacte en effet très fortement les prix de vente des matériaux. Selon l’étude « Bureaux de demain » réalisée conjointement par Le Cerema et l’IFPEB, la logistique pourrait représenter « jusqu’à 40% du prix de vente d’un matériau » [2]. C’est pourquoi la consolidation de la chaîne logistique, notamment via l’optimisation des coûts et de sa gestion, est un réel levier pour massifier le réemploi.

Enjeux spécifiques des matériaux de réemploi

Les matériaux de réemploi possèdent des spécificités les différenciant des matériaux neufs, industrialisés et standardisés.

D’une part, les gisements sont très divers, que ce soit dans le type de matériau, la géométrie, les dimensions ou le poids (ce qu’appelle Etienne Lamaud « le réemploi artisanal » dans son article « Industrialisation et réemploi : une introduction »). En effet, une grande diversité des produits, équipements et matériaux est à considérer. Cela implique d’adapter les modes de conditionnement, de transport et de stockage au cas par cas.

D’autre part, les flux à considérer sont très variables dans le temps et l’emplacement. Les solutions logistiques à déployer se doivent donc d’être plus modulables et flexibles que les organisations de logistique traditionnelles, constantes et régulières. Finalement, ces éléments sont autant d’enjeux à intégrer dans la mise en place d’une solution logistique adaptée aux spécificités des matériaux et aux opérations suivies.

Enfin, de nombreux interlocuteurs sont impliqués dans les processus de réemploi. Au-delà du jeu d’acteurs parfois déjà complexe des opérations de construction classiques, la mise en place de réemploi amplifie ce phénomène. Un grand nombre d’acteurs doivent être coordonnés, ce qui complexifie le processus de réemploi.

Quelques pistes pour répondre à ces enjeux

Dans un premier temps, il faut assurer la traçabilité des produits et éléments à réemployer. Cela permet notamment de prouver qu’ils n’ont pas transité par une installation de gestion de déchets. De fait, cela garantit leur statut administratif de « matériaux ». [3] Cette traçabilité a également pour objectif de garder une trace de l’historique du matériau via la réalisation d’une fiche technique du produit. Elle réunit diverses informations : la provenance du matériau, sa première vie (premier usage) et les étapes de transport ou de reconditionnement qu’il a subi. Ces éléments sont d’autant plus importants qu’ils permettent de rassurer l’acheteur. Ainsi, il est en pleine connaissance de l’historique du matériau et donc de ses performances.

© Bobi Réemploi, Etiquettes de traçabilité apposées sur charpente bois
© Bobi Réemploi, Etiquettes de traçabilité apposées sur charpente bois

Une seconde piste consiste à adapter le type de conditionnement et de stockage à la géométrie et aux propriétés spécifiques de chaque matériau de réemploi. Pour cela, il s’agit d’optimiser l’organisation générale des espaces de stockage. Elle doit s’opérer en fonction de sa volumétrie, du moyen de manutention utilisé et du type de stockage adéquat, adapté au matériau à stocker. La conception des espaces de stockage qu’il soit traditionnel (de type entrepôt) ou flexible (de type container) est donc une étape primordiale à ne pas minimiser.

©Bobi Réemploi, Entrepôt de stocjage de matériaux de réemploi, Minéka, Villeurbanne
©Bobi Réemploi, Entrepôt de stocjage de matériaux de réemploi, Minéka, Villeurbanne

Enfin, il faut favoriser l’émergence de solutions logistique efficaces via le tissage d’un maillage d’acteurs locaux, notamment pour le stockage et le reconditionnement des matériaux. [2] Une action conjointe entre acteurs du réemploi, voire avec des entreprises déjà installées dans le secteur de la logistique est donc à mener. Par exemple, une cohabitation de l’offre de produits réemployables avec la chaîne logistique des matériaux neufs peut s’envisager. La mutualisation d’espaces d’activités peut d’ailleurs permettre de lutter, en partie, contre la pression foncière.

©Charlotte Blanc, Maillage d’acteurs tissé à l’occasion du Workshop « Une expérience immersive du réemploi » organisé par Ville & Aménagement Durable
©Charlotte Blanc, Maillage d’acteurs tissé à l’occasion du Workshop « Une expérience immersive du réemploi » organisé par Ville & Aménagement Durable

Conclusion

En définitive, l’ingéniosité logistique consiste à trouver des leviers pour optimiser les contraintes temporelles, organisationnelles et économiques. Le but étant de massifier la pratique du réemploi. L’étendue des solutions logistiques est grande. Toutefois, chaque projet nécessite d’être étudié au cas par cas pour mettre en place celles qui sont les plus adaptées à ses contraintes et ses spécificités. Dans un futur proche, le tissage d’un maillage local d’acteurs de la logistique sera un des leviers pour consolider la chaîne logistique du réemploi.

Bibliographie – Sitographie

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