La solution du réemploi face à la pénurie de matière première

Sophie Lambert 27/05/2021
Tête Bobi
© Evening Tao, Entrepôt de profils acier, principal matériau touché par la hausse des prix

En avril 2021, c’est la panique dans le secteur du BTP : une pénurie touche de nombreux matériaux. Les fournisseurs ne savent plus garantir leurs délais et leurs prix. Face à ce phénomène, avoir recours à des matériaux de réemploi, déjà présents, peut être une solution. Nous analysons ceci dans la suite de l’article.

Le contexte actuel

La crise sanitaire ayant désorganisé les filières de production de matériaux ainsi que leur transport, le coût se fait ressentir. De nombreux matériaux ont vu leurs prix augmenter, et ce jusqu’à 30% pour certains ! Sans compter les délais des fournisseurs qui ont fortement augmenté.

Les principaux matériaux concernés sont :

  • les métaux, dont la hausse des prix a commencé dès septembre 2020, en particulier l’acier, le cuivre, l’aluminium
  • le bois, qui suite à la politique américaine de taxation du bois canadien, est désormais à partager avec le marché américain
  • les plastiques, le polyuréthane, le polystyrène
  • les matériaux techniques avec des composants informatiques
  • le verre et donc les menuiseries

Il ne faut pas oublier par ailleurs que cette pénurie ponctuelle, pour laquelle on espérait un retour à la normale d’ici fin 2021, s’inscrit dans un contexte global de consommations de ressources dans un monde fini. Nous continuons à extraire des ressources de façon effrénée. Nous savons qu’un jour elles arriveront à épuisement. Parmi les pénuries à venir les plus médiatisées, celle du sable, matériau indispensable dans la production de béton et celle de métaux comme le cuivre, le plomb, le zinc (voir à ce sujet la présentation de négaWatt qui étudie actuellement la corrélation entre transition énergétique et consommation de matériaux).

La pénurie actuelle est donc une alerte, qui va très probablement se reproduire à l’avenir.

Symptôme d’un monde mondialisé

Cette situation révèle parfaitement notre dépendance à un système mondialisé : l’arrêt d’usines en Asie au début de la crise sanitaire, un choix politique de taxation aux États-Unis, un porte-conteneur qui bloque le transit via le canal de Suez, etc…, tout cela a un impact sur notre quotidien, ici en France.

La fabrication de matériaux de construction fait appel à de nombreux interlocuteurs dans le monde entier, une chaîne d’acteurs complexe dont on a du mal à maîtriser l’ensemble.

Reprendre la maîtrise sur cette chaine de production, est-ce possible ? Oui, et c’est même nécessaire ! A délocaliser sans cesse nos sites de production, nous délocalisons aussi notre impact environnemental dont nous perdons la notion… Cet impact n’étant pas palpable, nous continuons à consommer à grande vitesse, impliquant extraction de matière et émissions de gaz à effet de serre.

Plusieurs secteurs travaillent à rendre plus vertueuse leur chaine de fabrication, comme par exemple le textile (exemple de l’entreprise 1083 qui produit des jeans ayant réalisé au maximum 1083 km lors de leur fabrication), l’électronique (exemple du Fairphone qui fiabilise chacune de ses sources d’approvisionnement d’un point de vue éthique), mais aussi le BTP. Le développement du recours aux matériaux biosourcés, locaux, est un bon exemple.

Cependant ces initiatives restent majoritairement plus chères que les produits « classiques », et malgré un développement de plus en plus important elles restent encore marginales à l’échelle du marché mondial.

La solution du réemploi

Avoir recours à des matériaux de réemploi déjà présents permet de fiabiliser plusieurs sujets :

  • on sait combien va coûter la dépose des matériaux, leur remise en œuvre, et donc le prix final ne fluctuera pas en fonction d’un contexte mondial
  • on connaît la date de disponibilité du matériau
  • on peut prévoir un espace de stockage afin d’avoir le matériau à disponibilité quand c’est nécessaire

Tout cela en ayant un impact moindre sur l’environnement et en développant l’emploi local !

Cependant, dans le contexte de la pénurie actuelle, toutes les filières de réemploi ne sont pas forcément suffisamment matures pour fournir aujourd’hui une grande quantité de matériaux sur un délai très court. Mais les offres sont en plein développement, et plus les commandes se multiplieront, plus les filières sauront être réactives comme des fournisseurs « classiques ». Le site Opalis recense les revendeurs de matériaux de réemploi que vous pouvez d’ores et déjà solliciter.

Par ailleurs, pour certains matériaux, le réemploi reste très complexe. Le meilleur exemple est celui des menuiseries extérieures, qui nécessitent certaines performances, difficiles à trouver dans les produits de réemploi. Pour ces matériaux, il faudra donc continuer à se fournir en neuf.


Cette situation nous invite plus globalement à réfléchir à notre système de production et aux mutations nécessaires pour réussir notre transition écologique. Cela pose également la question de la sobriété : produire mieux oui, mais produire la juste quantité, c’est aussi important. Nous vous invitons à la lecture du très bon article de Jean Gadrey « Réconcilier l’industrie et la nature », qui traite plus en détail de ce sujet.

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