Tous ceux qui ont suivi le MOOC Réemploi de l’ICEB ont probablement entendu parler du fameux
lot « zéro » dédié au réemploi, via la présentation du projet de la Grande Halle de Colombelles à Caen. Nous avons expérimentés cette pratique sur différents chantiers et nous souhaitons à travers cet article vous en expliquer un peu plus en détail les tenants et aboutissants.
Qu’est-ce qu’un lot « zéro » ?
Le principe du lot 0 est de créer un lot spécifique au réemploi qui peut contenir différents types de missions :
- la dépose soignée de matériaux en vue de leur réemploi, en phase curage
- la fourniture de matériaux de réemploi issus de gisements extérieurs au chantier
- la remise en état des matériaux
- le conditionnement
- le transport en pied de chantier
Par exemple, sur le projet de la Grande Halle de Colombelles, le WIP était titulaire du lot 0 et avait pour mission de trouver des matériaux de réemploi dans un périmètre de 30 km autour du projet, de les remettre en état et les stocker sur un espace dédié (containers mis en place sur l’emprise chantier).
Une porte de sortie peut être prévue, au cas où aucun matériau de réemploi correspondant aux exigences du projet ne serait disponible, en ajoutant une option de fourniture neuve chez les entreprises en charge de la pose.
Quels avantages ?
La mise en place d’un lot 0 permet d’augmenter le taux de matériaux issus du réemploi en levant plusieurs freins présents dans un marché de travaux classiques.
Tout d’abord, cela permet d’avoir une entreprise dédiée à la recherche de matériaux de réemploi, et ainsi de proposer un large panel de matériaux. Des entreprises de travaux, qui ne sauraient où se fournir en réemploi, peuvent ainsi chiffrer uniquement la pose sans prendre de risque.
D’un point de vue logistique, cela permet aussi aux entreprises de ne pas multiplier les transports de matériaux, ils peuvent continuer à s’approvisionner chez leur fournisseur habituel pour tous les matériaux à fournir en neuf, et les matériaux de réemploi sont mis à disposition en pied de chantier, prêts à poser.
Sur le sujet assurantiel, la responsabilité est partagée entre la fourniture et la pose. En cas de sinistre, il faudra alors déterminer si cela est lié à un problème de fourniture ou un problème de pose. Le lot 0 doit être assuré pour la fourniture et savoir justifier de la provenance de chacun des matériaux et de leur état au moment du transfert à l’entreprise de pose. L’entreprise de pose doit de son côté être assurée pour la mise en œuvre par une décennale.
Enfin, la mise en place d’un lot réemploi participe au développement de filières de réemploi qui sont en cours de structuration. Cette pratique stimule les débouchés en réemploi et contribue à massifier la démarche.
Quels inconvénients ?
Construire un lot 0 étant une pratique nouvelle, il vaut mieux être accompagné par un expert du réemploi pour la première fois et sur des chantiers de grande ampleur. Le temps que cela devienne plus commun, des surcoûts peuvent être générés par cette prestation intellectuelle en phase de conception.
Ensuite, un lot réemploi n’est pas forcément pertinent pour tous les projets. Il faut déjà une ambition forte en réemploi pour que le montant du lot soit suffisamment élevé pour justifier d’une consultation supplémentaire (et donc du temps supplémentaire pour l’équipe de maîtrise d’œuvre à préparer puis analyser la consultation).
Par ailleurs, cette démarche est à privilégier sur un territoire où des acteurs du réemploi sont en train de se développer pour ne pas avoir de marché infructueux. Même si aucun acteur n’est identifié comme spécifique pour répondre à un lot 0, plusieurs acteurs émergents du réemploi pourront former un groupement pour répondre à la consultation.
Quelques points de vigilance
Comme précisé plus haut, nous vous recommandons d’être accompagné par un AMO Réemploi pour la mise en place de lots 0. Cet accompagnement permettra de mieux cibler les matériaux à demander en réemploi, cadrer la consultation et aussi vous donner des pistes dans la conception pour vous adapter au réemploi.
Il est aussi important d’avoir un cadre sur la validation des matériaux et être clair sur les exigences dès la consultation. Par exemple pour des dalles de faux-plafond, il faut préciser une gamme équivalente mais aussi préciser la destination et l’état souhaité : pour des bureaux, on cherchera plutôt du faux-plafond de réemploi issu d’un bâtiment tertiaire, en très bon état, mais pour des locaux techniques, on pourra prendre un faux-plafond un peu moins qualitatif. Les matériaux trouvés doivent être validés via échantillons représentatifs pour ne pas avoir de mauvaise surprise au moment de la pose !
La question du stockage se pose également. Il peut être demandé à l’entreprise titulaire du lot 0 de stocker les matériaux, mais cela a un coût et impactera donc le prix des travaux. Avec un peu de recherche en interne, beaucoup de maîtrises d’ouvrages trouvent finalement du foncier qu’ils peuvent mettre à disposition quelques mois pour le stockage de matériaux, il faut donc explorer cette piste en priorité.
Enfin, on ne le répètera jamais assez, le réemploi est une question de mise en lien entre offre (chantier de déconstruction) et demande (chantier de construction) avec des délais contraints. Accorder à la recherche de matériaux de réemploi un temps maximal permettra d’augmenter le nombre de gisements potentiels et donc de maximiser le taux de réemploi. Le lot 0 est donc un lot à consulter et désigner dès que possible !
Alors, êtes-vous prêts à vous lancer ?
Bobi est en tous cas prêt à vous accompagner et à répondre à ce type de prestation avec d’autres acteurs de la région lyonnaise ! Nous venons de terminer une prestation de lot 0 sur le projet du laboratoire de cuisine des Dames de la Cantine (MOE : Ré architecture) sur lequel nous vous partagerons un retour d’expérience détaillé dans un prochain article. Nous préparons aussi en ce moment une consultation d’un lot 0 curage sélectif & fourniture de matériaux de réemploi, qui sortira bientôt !