Pour une majorité de personnes aujourd’hui, avoir recours à du réemploi rime avec économies. En effet, il s’agit de réutiliser des matériaux déjà présents, déjà fabriqués, ils sont donc censés être moins chers que du neuf. Dans les autres secteurs de l’occasion (textile, mobilier, informatique), la seconde main est bien moins chère que du neuf.
Cependant dans le bâtiment, le réemploi n’est pas toujours moins cher que du neuf. Parfois oui, parfois il est au même prix, mais parfois il est aussi plus cher. Nous allons détailler dans cet article les différents coûts qui se cachent derrière le réemploi afin de mieux comprendre les prix pratiqués dans ce secteur.
La qualité et la rareté des matériaux
Tout d’abord, le réemploi concerne un panel très diversifié de matériaux. Nous pouvons aussi bien réemployer des matériaux de second œuvre dans un bâtiment tertiaire, comme de la moquette, du faux-plafond, du faux-plancher, que des matériaux anciens datant du XIXème siècle, comme du parquet en bois massif, des tomettes, des portes en chêne, etc…
Les matériaux anciens sont souvent des matériaux nobles, très qualitatifs, et sur lesquels on retrouve la patine du temps. Autant dire qu’il est quasiment impossible aujourd’hui (ou alors très cher) de fabriquer des tomettes en terre cuite patinées. Dans ce cas, seul le recours à des matériaux de réemploi est possible, et leur rareté explique des prix parfois élevés.
Pour des matériaux plus récents, comme de la moquette, il est très aisé de se fournir aujourd’hui en neuf, avec un large choix de gammes et de coloris, pour des prix attractifs. Le florilège d’offres ne permet pas alors de proposer un prix en réemploi plus élevé que du neuf. Chez Bobi Réemploi, nous essayons de proposer des prix à environ 50% du prix neuf, lorsque cela est possible pour compenser l’ensemble des coûts détaillés dans la suite de l’article. Mais malheureusement, cela n’est pas toujours réalisable et il nous arrive parfois de voir des projets de réemploi s’arrêter car le prix des matériaux de réemploi devient plus cher que du neuf.
Déplacement de la valeur de la matière vers la main d’œuvre
Comment le prix d’un matériau de réemploi peut être parfois plus cher que du neuf ? Tout simplement car le réemploi génère des nouveaux coûts :
- le surcoût d’une dépose soignée des matériaux – déposer des dalles de faux-plafonds pour du réemploi nécessite plus de soin et plus de temps que de casser le faux-plafond pour le mettre dans une benne
- le conditionnement sur chantier – les matériaux ne sont pas jetés dans une benne mais rangés proprement, sur des palettes filmées ou dans des cartons
- la remise en état – certains matériaux nécessitent d’être nettoyés, poncés, recoupés, réparés
- le stockage – en fonction du planning des chantiers, un temps de stockage est souvent nécessaire entre la dépose et la repose du matériau
- le transport – lorsqu’il ne s’agit pas de réemploi in situ, un transport est nécessaire entre la dépose et le reconditionnement, puis vers un lieu de stockage, et enfin vers le chantier de repose
Ces étapes sont souvent réalisées selon des process artisanaux qui ont du mal à concurrencer des process industriels. Le réemploi concerne aujourd’hui beaucoup de matériaux différents, qu’il est difficile de standardiser comme dans l’industrie pour obtenir des économies d’échelle. Cependant certains matériaux s’y prêtent bien malgré tout, comme les dalles de faux-plancher, les dalles de faux-plafond 60×60. C’est le pari qu’a fait l’entreprise Mobius avec le faux-plancher technique, et qui porte ses fruits aujourd’hui.
Tout l’enjeu du réemploi aujourd’hui est donc de trouver des modèles économiques qui permettent de bien rémunérer chacune de ces étapes, tout en proposant des prix attractifs vis-à-vis du neuf.
La matière grise nécessaire pour réussir un projet de réemploi
Autre point majeur générant un surcoût pour le réemploi : le réemploi, ça se prépare en amont, dès la phase de conception, avec de la matière grise ! En effet, mettre en place une démarche de réemploi nécessite un travail intellectuel non négligeable. Il faut entre autres :
- identifier les matériaux réemployables, les quantifier et les caractériser. Cela passe par du sourcing de matériaux et la réalisation de diagnostics ressources précis
- mettre en relation un gisement de matériaux avec une demande en réemploi, ayant toutes les caractéristiques requises (bon planning, bonnes caractéristiques techniques et architecturales), ce qui demande une grande mise en réseau et une bonne connaissance de l’offre et la demande locale
- adapter le projet architectural en fonction des matériaux disponibles en réemploi, ce qui nécessite plusieurs aller-retours
- organiser le réemploi d’un point de vue contractuel, puisque les pièces marchés habituelles des entreprises ne sont pas structurées pour répondre à ce type de besoin. Il peut par exemple être nécessaire de créer un lot 0 spécifique en réemploi
- échanger avec les différentes parties prenantes du projet et en particulier le bureau de contrôle et les assurances, afin de s’assurer que le réemploi ne posera pas de problème assurantiel
Pour mener à bien cela, nous recommandons de faire appel à un AMO réemploi, dont la prestation pourra représenter un surcoût mais qui permettra d’avoir un projet en réemploi bien ficelé et abouti.
Des externalités positives du réemploi à valoriser
En contrepartie de ces coûts, le réemploi créé des externalités positives qui sont à mettre dans la balance lors des prises de décisions de la maitrise d’ouvrage.
Bien évidemment, l’impact environnemental du réemploi n’est plus à démontrer. Avoir recourt à des matériaux de réemploi permet de réduire la production de déchets et d’éviter la fabrication de nouveaux matériaux. Pour plus d’informations sur ce sujet, n’hésitez pas à regarder nos articles sur l’Analyse de Cycle de Vie d’un matériau réemployé.
Le réemploi a aussi un impact social en créant de l’emploi local non délocalisable. Comme expliqué plus haut, la valeur est déplacée de la matière vers la main d’œuvre pour assurer des tâches de dépose soignée et de remise en état. Ces tâches sont à réaliser localement, et permettent à des collectivités de créer de l’emploi sur leur territoire.
Enfin, le réemploi a aussi la capacité de donner du sens à nos projets de construction : de plus en plus de personnes remettent en question notre modèle linéaire actuel, dans lequel on construit, on consomme puis on jette pour reconstruire, reconsommer, etc… La question du sens de nos actes est de plus en plus cruciale, et le réemploi permet de remettre un peu de bon sens dans le secteur du bâtiment. Pourquoi jeter ce qui peut encore être réutilisé ? D’autant plus que partir de l’existant, du déjà là, peut aussi être une source de créativité et permettre de sortir d’un schéma de reproduction de projets types avec le même style architectural. Le réemploi ajoute de la singularité dans nos modes de construire afin de rendre chaque projet unique.